Par Élisabeth Baton-Hervé. L’équipement croissant des univers domestiques en technologies numériques diverses et variées s’accompagne dans le même temps d’une forte préoccupation de santé publique. Exposition précoce des enfants aux écrans, surutilisation et mésusage de ces machines attrayantes ont des répercussions incontestables sur le bien-être et le développement de l’enfant.
Or, ce temps d’exposition des enfants aux écrans a sensiblement augmenté au cours de la pandémie, cela avec des conséquences dont nous ne maîtrisons pas encore bien toute l’ampleur. Si l’usage des écrans peut être salutaire et bénéfique à certains âges et pour satisfaire des besoins de communication, d’information, de recherches, lorsqu’il a une ambition exclusivement distractive, il peut accaparer puissamment l’attention des jeunes et ce faisant, empiéter sur d’autres activités concrètes et humainement plus complètes : activités sportives, de plein air, culturelles, sociales, artistiques.
De plus, s’enquérir du temps passé devant les écrans par les enfants devrait conduire à s’interroger également sur les contenus regardés, les sites visités, les applications utilisées, et à se poser la question de leur intentionnalité ainsi que de leur finalité. Que sait-on par exemple des messages véhiculés par les programmes jeunesse auprès des jeunes téléspectateurs ? Que sait-on de la manière dont les fictions animées promeuvent les outils numériques disponibles sur le marché et incitent les enfants à les désirer, puis à les réclamer à leurs parents ? Oui Oui conduit ses enquêtes avec sa tablette tactile – gros plan de l’index qui glisse sur l’écran – Les personnages de Anna et ses amis ont recours à un écouteur-raconteur, ou à un jouet qui répond aux questions qu’on lui pose, on pense forcément à Google Home. Mais quel adulte regarde attentivement les programmes pour enfants et les dessins animés qui y sont diffusés ? Ces pratiques de persuasion sont d’autant plus critiquables qu’elles émanent d’émissions du service public (Okoo) et ciblent des enfants en bas âge quand, par ailleurs, il est demandé aux parents de ne pas soumettre les moins de trois ans aux écrans numériques.
Que sait-on des sites dédiés aux enfants et des activités qui y sont véritablement proposées : replay, jeux, concours… ? Mais quel adulte s’attarde suffisamment sur ces contenus dont certains sont avant tout pensés pour influencer les esprits enfantins ?
Que sait-on des applications téléchargées sur les smartphones pour occuper l’enfant pendant un rendez-vous médical, dans la salle d’attente du médecin ou de l’orthophoniste, ou bien encore à l’abri de bus ? Est-ce si clair pour tout un chacun que ce n’est pas parce que ces produits sont présentés comme étant « adaptés aux enfants » qu’ils le sont véritablement ?
L’initiative de la tribune proposée par la députée LRM, Caroline Janvier, est intéressante et salutaire « La surexposition des enfants aux écrans pourrait être le mal du siècle ». Un usage suffisamment bon des écrans par les enfants et leurs familles ne pourra advenir que grâce à une volonté forte des pouvoirs publics et politiques.
Mais, nous le voyons, les parents sont loin d’être seuls en cause. Au contraire, ils sont soumis à des injonctions paradoxales dont ils n’ont pas toujours pleinement conscience. Des mesures adaptées doivent contraindre les industriels et autres GAFAM à recourir à de vraies bonnes pratiques. Non, les belles paroles et apparentes déclamations de bonne foi ne sont plus satisfaisantes. Quand la santé des enfants est en jeu, la responsabilité de tous les acteurs sociaux est engagée.