Début juillet dans le magazine Vanity Fair, Tim Berners-Lee, le principal inventeur d’internet, a prononcé cette phrase terrible: « Nous avons démontré que le web a desservi l’humanité au lieu de la servir, comme il était censé le faire, et a échoué sur de nombreux points. »
Et face à l’ampleur qu’ont pris internet et les réseaux sociaux dans la société, l’ingénieur du Cern genevois, a trouvé un écho à son cri d’alarme jusque parmi les grands patrons des mastodontes du numérique que sont les GAFA (pour Google, Apple, Facebook et Amazon).
« Empires de modification du comportement »
« Je ne veux pas que mon neveu utilise les réseaux sociaux », déclare par exemple Tim Cook, patron d’Apple dont les appareils permettent pourtant largement de les consulter.
Même son de cloche du côté de Jaron Lanier, pionnier de la réalité virtuelle qui vient de publier « 10 arguments pour quitter les réseaux sociaux tout de suite ». « Je ne peux plus appeler ça des réseaux sociaux, je les appelle des empires de modification du comportement », assure-t-il.
Manipulation des cerveaux assumée
Désormais, on assume ouvertement d’avoir manipulé les cerveaux. A l’instar de Tristan Harris, ancien ingénieur de Google: « Dans les années 1970 quand vous parliez au téléphone, il n’y avait pas des centaines d’ingénieurs de l’autre côté de l’écran, qui savent parfaitement comment fonctionne votre psychologie ».
Sean Parker co-fondateur de Napster, détenteur de parts de Facebook: « Notre réflexion était ‘comment capturer un maximum de votre temps et de votre attention’; nous devions vous fournir des pics de dopamine. Nous avons donc par exemple créé des ‘likes’ sur vos ‘posts’ pour vous pousser à continuer. »
« Machine à déchirer le tissu social »
Chamath Palihapitiya, ancien vice-président de Facebook va jusqu’à dire que « nous avons créé une machine qui déchire le tissu social, en fabricant des outils qui sécrètent de la dopamine à répétition et du plaisir immédiat. Nous avons détruit le fonctionnement de la société. »
Signe révélateur, les papes du numérique eux-mêmes mettent leurs enfants à l’école Waldorf où est appliquée la pédagogie zéro écran, zéro ordinateur, zéro robot. Plusieurs d’entre eux ont d’ailleurs créé un centre de « technologie humaine » dont l’objectif est de reprendre le contrôle d’une société prise en otage par la technologie.
Martina Chyba/gax